Depuis Twilight, il n’a cessé de casser son image avec des rôles chic et chocs, que ce soit dans Cosmopolis de David Cronenberg, Good Time des frères Safdie, ou High Life de Claire Denis. Avec toujours cette pointe d’amusement dans son regard trouble et troublant, comme pour dire que c’est comme ça et qu’en plus nous n’avons encore rien vu. Et en effet ! Dans l’hallucinant drame gothique en noir et blanc The Lighthouse de Roger Eggers, qui sort le 18 décembre, Robert Pattinson campe avec Willem Dafoe une paire de gardiens de phare solitaires qui combattent les éléments et leurs démons. Dans Le Roi, de l’Australien David Michôd, diffusé sur Netflix, il est l’hilarant Dauphin de France, rival de Timothée Chalamet, qui joue Henry V. Et, entre-temps, il a tourné un thriller avec Christopher Nolan, et sera le prochain Batman ! Pattinson n’en fait qu’a sa tête !
Qu’est-ce qui vous a donné envie de tourner dans The Lighthouse ?
Robert Pattinson. Les thèmes de la solitude, de la masculinité et de l’émasculation, la magie de la mer, les esprits… J’avais vu The Witch, le premier film de Robert Eggers, et, alors que je ne suis pas fan des films d’horreur, l’étrangeté de ce conte terrifiant, sa force de persuasion m’avaient marqué. Je n’avais donc aucun doute sur le fait que son deuxième film qui avait un excellent scénario fonctionnerait. Le problème d’un bon scénario, c’est que l’acteur principal peut tout foutre en l’air ! (Rires)
Quel était le plus grand défi à relever pour vous, dans ce récit d’isolement…
R. P. Et de démence ! Déjà, ne pas boire de vrai alcool pour les scènes de cuite. J’avais essayé sur le tournage de De l’eau pour les éléphants, ça ne marche pas : vous devenez parano et vous êtes persuadé que tout le monde vous juge ! (Rires) Le défi était de jouer en liberté face à Willem Dafoe, tels deux amoureux de la mer qui perdent la raison et qui voient apparaître une sirène flirteuse jouée par Valeriia Karaman, une actrice polonaise fascinante. Je pense d’ailleurs qu’il fallait être polonaise pour accepter un rôle aussi extrême, passer des heures dans la mer froide face à deux types qui deviennent cinglés quand ils n’ont plus rien à picoler et qui finissent par se tourner vers le kérosène. (Rires) Mais j’en dis trop sur l’histoire. J’en dis toujours trop sur les histoires en interview !
On ressort indemne, d’un tel tournage ?
R. P. J’aime être poussé dans mes retranchements. C’est très cathartique, en même temps, de s’enfermer dans l’obscurité et la folie pendant des semaines… Vous devenez très bizarre. Si vous deviez le faire un jour, je vous conseille de vous associer avec Willem Dafoe ; avec lui, cela devient vite du délire. Willem Dafoe, c’est un démon fraternel. (Rires)
Vous êtes saisissant aussi dans Le Roi. J’ai le sentiment que vous vous êtes beaucoup amusé à endosser ce rôle, cette période historique, porter des longs cheveux blonds…
R. P. J’ai eu de la chance, car le réalisateur m’a laissé toute latitude, comme celle de tresser mes cheveux pour aller à la bataille… et je l’en remercie. Comme dit Hunter S. Thompson : «Il faut pousser le bouchon aussi loin que vous le pouvez.» (Rires) Je n’aime pas la manie des films hollywoodiens de faire parler anglais tous les peuples. Pour justifier que mon personnage de prince français s’exprime en anglais, j’ai fait en sorte que l’on sente qu’il le faisait juste pour s’exercer à pratiquer la langue de Shakespeare. Du coup, cela donne quelque chose de très drôle. Et puis se déplacer en costumes d’époque, c’est tout ce que j’aime sur un plateau, tout ce qui fait monter l’adrénaline.
Comment avez-vous développé vos méthodes d’acteur depuis qu’on vous a découvert gamin dans Harry Potter ?
R. P. Je me suis formé progressivement, notamment en regardant des tonnes de films. Ce que j’ignorais à l’époque, c’est que j’aimerais autant ce métier. Que je serais toujours aussi excité par un projet étonnant. J’adore accepter un film dont je sais que tout le monde va dire : «Oh non, pas lui ! Pas lui pour ce rôle !» (Rires)
Vous qui avez tout fait pour trouver des cinéastes qui allaient casser votre image, vous êtes en plein tournage de Tenet, la superproduction top secret de Chris Nolan, et vous allez être le nouveau Batman…
R. P. Je n’ai pas voulu m’éloigner des studios hollywoodiens juste pour ne plus faire de gros films, mais pour faire ce que bon me semblait. Vous avez un sentiment différent lorsque vous faites un film en sachant qu’il va être vu par des tas et des tas de gens. C’est comme si vous pressiez des boutons différents. Mais même à l’époque de Twilight, une part de moi ne détestait pas faire partie de quelque chose qui pouvait atteindre une grande audience… Je ne sais pas, j’ai dû me sentir assez sûr de moi pour dire oui. Et, que voulez-vous, j’aime être sur le devant de la scène ! (Rires)
Interrogé sur votre rôle en Batman, Christian Bale a déclaré en riant : «Il ferait bien de commencer à faire de la musculation, car on va lui demander d’enlever sa chemise !» Comment appréhendez-vous un tel rôle ?
R. P. Je ne peux rien dire. Je vous assure. Même pour Tenet, la Warner m’a appelé, pas plus tard que quelques minutes avant de vous rencontrer, pour me rappeler que je n’avais pas le droit de piper mot sur l’histoire ! Pour ce genre de films, on vous fait lire le scénario enfermé dans une pièce ! Donc là, je finis toutes mes scènes de nuit avec Chris Nolan, et ensuite je vais torturer mon corps pendant six mois pour être prêt. J’ai déjà appelé mon entraîneur en lui disant : «Tu sais, tout ce que j’avais dit sur les stéroïdes ? Eh bien, je le retire !» (Rires) J’ai déjà une petite idée de la façon dont je vais pouvoir m’approprier Batman. Vous serez surpris.
Propos recueillis par Juliette Michaud.
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