Audacieuse, imprévisible, radicale. Quarante ans d’une carrière hors du commun, un Oscar. Une constance à faire rêver. Même dans les moments de doute, même quand Hollywood, pour la punir de choix trop intellectuels ou malencontreux, la qualifia de «box-office poison» ! Elle, Nicole Kidman, le diamant de Moulin Rouge, la Virginia Woolf des Heures, est restée l’une des actrices les plus cotées de sa génération. La plus iconique, peut-être. Karl Lagerfeld l’appelait «la star absolue». Sans doute parce que cette beauté liane glamour aux yeux et au teint de poupée de porcelaine est aussi éprise d’absolu. «J’avoue avoir pensé plus d’une fois à tout arrêter pour simplement réussir ma vie de femme», nous confia un jour cette éternelle déesse de 1,78 mètre, née le 20 juin 1967 à Honolulu, le rire et l’émotion à fleur de peau, rougissant facilement, si chaleureuse, si généreuse.
Quel soulagement qu’elle ait réussi toutes ses vies ! Quatre enfants, deux grands avec Tom Cruise, deux petits avec la superstar de la country Keith Urban, une existence de fermière chic à Nashville : beaucoup de musique, beaucoup d’amour. Et un parcours professionnel plus exigeant que jamais. Rarement, en effet, star aussi brillante et haute dans le ciel d’Hollywood aura manifesté une telle audace, une telle curiosité, un tel goût pour les paris artistiques les plus fous et singuliers. Au cinéma, ce n’est plus à prouver. De Gus Van Sant et Baz Luhrmann à Stanley Kubrick et Lars von Trier, d’Alejandro Amenabar et Yorgos Lanthimos à John Cameron Mitchell et Park Chan-wook, de Sofia Coppola à Lee Daniels… Sans oublier Jane Campion, rencontrée une première fois à 14 ans, alors que la cinéaste voulait qu’elle fasse son film de fin d’études. Bien des auditions plus tard, elles se sont évidemment retrouvées pour un magnifique Portrait de femme et la série Top of the Lake. Alors, ce n’est pas un hasard si, toutes nattes et bijoux bronze dehors, Nicole Kidman était à l’affiche de The Northman en mai dernier.
Une épopée viking choc avec Bjork et Anya Taylor-Joy, où elle campe Gudrun, la mère d’un esclave joué par Alexander Skarsgard (son partenaire de Big Little Lies). A la caméra, il y a Robert Eggers, un de ces jeunes cinéastes hallucinés (celui de The Lighthouse, avec Robert Pattinson) comme seule Nicole Kidman sait les trouver. Sa motivation est là. Et si elle va réapparaître des flots l’an prochain dans la suite d’Aquaman, ce n’est pas uniquement par concession, mais plutôt :
«Pour que mes enfants continuent à me trouver cool !» lance-t-elle. Et puis, bon, on est une sirène ou on ne l’est pas.
Les projets cinéma de Nicole Kidman fourmillent. On ne désespère pas, d’ailleurs, de voir celui de Wong Kar-wai, Lady of Shanghai, se réaliser un jour. Mais parce qu’elle appartient à son époque, c’est avec la télévision que cette artiste consommée connaît le second acte de sa carrière. En tant qu’actrice, et comme productrice, via sa société australienne Blossom Films. Son premier bébé de télévision, Big Little Lies, en alliance avec Reese Whiterspoon, l’avait propulsée en tête des productrices de séries. Elle a depuis retrouvé le créateur David E. Kelley pour Nine Perfect Strangers, où elle joue un gourou allumé. Et nous a encore décontenancés dans Roar, diffusée sur Apple TV, coproduit avec le tandem féminin de Glow : l’adaptation d’un recueil de huit fables baignées d’humour noir, Entendez les femmes rugir !, de Cecelia Ahern. Episode le plus dingue de cette anthologie : The Woman Who Ate the Photographs. Nicole Kidman y feuillette les albums de famille… et se met à en dévorer les photos. Oui, entre passé et présent, les femmes cherchent leur place dans ce monde. Autre série événement à venir pour sa compagnie : The Expats, de Lulu Wang (réalisatrice de The Farewell), que Nicole Kidman vient de terminer à Hongkong. La chronique d’un groupe d’expatriés dans un pays déchiré. Au fond, ce n’est pas un hasard si l’actrice a été nommée cette année aux Oscars dans le rôle transformatif de la flamboyante vedette du sitcom des années 1950 I Love Lucy, pour Being the Ricardos, d’Aaron Sorkins. «J’ai adoré jouer Lucille Ball, et je reconnais qu’il y a une fascination à toucher autant de spectateurs à travers le poste de télévision comme elle l’avait fait. Rien ne vaudra jamais le cinéma. Mais j’ai énormément d’admiration pour les séries télé, qui offrent très souvent des rôles plus ciselés. Je me suis aussi aperçue à quel point tourner une série est difficile, et je suis heureuse d’apporter mon aide, notamment en imposant des noms d’actrices inconnues, ou en travaillant avec des réalisatrices.»
Tourner au minimum une fois par an avec une femme : sa “mission”, depuis qu’elle a travaillé avec Sofia Coppola. Que de voyages émotionnels extrêmes, de mues, pour celle qui dit s’immerger si profond dans un rôle qu’elle en ressort «physiquement malade» ! Comment la petite australienne de Calme blanc, qui se considère comme une «élève d’école de théâtre», voit-elle son parcours ? Nicole Kidman a beau avoir été élevée dans une famille de psychologues et avoir incarné plusieurs analystes (notamment dans la très bonne série The Undoing, avec Hugh Grant), l’introspection n’est pas son fort : «J’aime mieux vivre les choses que les analyser. Tout ce qui m’est arrivé, c’est juste le destin.» Ou plutôt, la force du destin.
Juliette Michaud
Photographie principale : Steven Chee / Trunk Archive
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