Adolescente, Camille Goutal se rêvait photographe. Elle est devenue parfumeur pour la maison Goutal (créée par sa maman Annick en 1981), sans l’avoir tout à fait choisi, en commençant par peser les formules du parfumeur Isabelle Doyen. Avec elle, elle a cosigné de nombreux parfums : Songes, Mon Parfum Chéri et l’Ambre Fétiche, devenus dans l’instant des classiques. Il était tout naturel que ces amies de trente ans finissent par créer une marque en duo et que le voyage (leur passion commune) soit au cœur de l’histoire: Voyages Imaginaires.
Il s’agit d’ailleurs plutôt d’un rêve de voyage, d’un fantasme d’ailleurs, que d’un trip réaliste à la manière d’une carte postale. « Pour chacun des cinq parfums, nous avions plus en tête un paysage qu’une matière première », précise Camille Goutal. Le fait est que chaque création est clairement narrative, voire cinématographique : Azahar nous entraîne sur le toit d’un Riad marocain en évoquant les « ombres des orangers qui s’étirent au soleil couchant », par une « fleur d’oranger gourmande, tour à tour fraîche grâce à l’overdose de petitgrain et de mandarine, puis savoureuse comme une guimauve avec sa vanille moelleuse ». L’Échappée sauvage nous mène sur les bords de la Méditerranée, lorsque le soleil est au zénith et qu’« air et température cuisante font craquer les bois, du pin parasol aux figuiers sauvages », avec des notes de bergamote, de citron, de figue, de cèdre, de bois de gaïac et de fève tonka.
Contrainte supplémentaire sur le chemin de la création : les formules des cinq parfums contiennent uniquement des matières premières naturelles et de l’alcool de blé bio. Il faut savoir qu’en renonçant aux notes de synthèse, le parfumeur perd 90% des matières premières à sa disposition et que sa formule revient 20 fois plus cher. Un choix totalement assumé qui rend les parfums encore plus expressifs et plus vivants (ils évoluent sur la peau tout au long de la journée). Ce qui saute aux yeux, et au nez, c’est que les parfums sont “matiérés” et généreux (mention spéciale pour La Couleur de la nuit, mariage heureux entre lavande verte et une vanille voluptueuse, qui évoque « une marche nocturne grisante dans la moiteur d’une nuit asiatique » avec l’élégance d’un film de Wong Kar-Wai).
Dans cette histoire d’amitié, les rôles sont bien répartis : à Isabelle l’écriture des formules et la composition des parfums et à Camille la direction artistique de la marque et l’image. Retour à son rêve d’avant : la photographie. Les clichés de Camille s’affichent à l’intérieur des flacons. Avec ses yeux couleur de perle et son sourire enveloppé de brume, elle raconte simplement : « l’enjeu était de faire chic et pas chiant ! ». Pari tenu. Tout est beau dans ces parfums à l’âme voyageuse qui ont le moral au beau fixe (jusqu’au flacon rechargeable habillé d’un pochon en coton bio blanchi) et l’aventure du tout-naturel, loin de regarder dans le rétro, fait entrer la parfumerie dans une nouvelle modernité.
Eaux de parfum, en vente à la boutique parisienne Nose et sur le site Voyages Imaginaires .
Lionel Paillès
Photographie par Elodie Daguin
A lire aussi: D’Orsay ouvre un bureau postal parfumeur