Un détective tourmenté enquête après la découverte d’un corps dénudé féminin… Déjà vu ? Peut-être ! Sauf que dans Mare of Easttown, de Gavin O’Connor, diffusé depuis le 18 avril sur OCS, le flic en proie à ses démons est une Kate Winslet absolument fascinante, corps et cœur lourds, juron facile et bière à la main: une jeune grand-mère déprimée et pourtant bien déterminée à régler son compte à tous les malfaisants de ce monde. Dix ans après Mildred Pierce, la grande Kate revient avec une autre minisérie addictive. Est-ce bien la même Kate qui joue la paléontologue mutique et amoureuse de Saoirse Ronan dans Ammonite, de Francis Lee, ce drame passionnel dans l’Angleterre victorienne qui rappelle à quel point l’oscarisée Kate Winslet est, à 45 ans, une immense actrice au sommet de son art?
Enquêter sur l’âme humaine ou briser les tabous avec des «amours interdites»: on vous sent plus dédiée que jamais à votre passion du jeu, de l’éclectisme. Toujours creuser, toujours vous renouveler…
Kate Winslet. Lorsque je tombe sur un scénario original comme celui d’Ammonite, c’est formidable. Je me suis tou- jours battue pour avoir des rôles singuliers, forts, authen- tiques. A mes débuts, tout n’est pas venu à moi sur un plateau : j’ai fait des pieds et des mains pour jouer Rose dans Titanic. Maintenant, je suis plus demandée, mais, qui sait,
un jour cela changera peut-être et je me retrouverai à nouveau à supplier pour des rôles. Ma motivation restera la même : qu’est-ce qui me donne le frisson et me donne envie de m’embarquer dans une folle aventure ? Qu’est-ce qui me donne envie de comprendre et devenir une autre personne ?
Vous aviez vu le premier film de Francis Lee, Seule la terre (2017), souvent comparé à Brokeback Mountain ?
Oui, j’étais d’emblée impressionnée par le talent naturaliste de ce superbe réalisateur anglais. Ici, le plus remarquable à la lecture de l’histoire était sa compréhension de la sensibilité féminine et son envie de dénoncer le système patriarcal de l’époque. A croire que Francis était une femme. D’ailleurs, pendant notre préparation, j’avais l’im- pression d’être avec une copine !
Vous êtes connue pour vous immerger dans vos rôles. Comment vous êtes-vous préparée pour Ammonite ?
L’histoire se déroule en 1840. Mary Anning, ex-paléontologue, qui est un personnage réel, a cessé ses activités pour vivre sur la côte sauvage de l’Angleterre, où elle cherche des fossiles qu’elle vend aux touristes. Jusqu’au jour où un homme fortuné lui demande de prendre soin de Charlotte, son épouse, qui souffre de «mélancolie». Et c’est l’exquise Saoirse Ronan, avec qui je n’avais jamais travaillé directe- ment, qui joue le rôle. Il était très clair pour nous deux que ces héroïnes réservées étaient en fait capables de moments passionnés, et nous étions prêtes à les incarner à l’écran sans tabous. Pour cela, nous n’avions besoin que d’une structure très bien orchestrée par Francis Lee. Prétendre que l’on est raide dingue de Saoirse n’est pas très difficile, vous savez. Le plus dur, peut-être, moi qui suis très animée dans la vie, était de jouer quelqu’un qui parle peu. Mais la vraie préparation, pour moi, était d’ordre climatique…
Comment cela ?
Nous avons tourné à Lyme Regis, dans le Dorset, où Mary a vécu et travaillé. Francis et moi avons mis au point le personnage de Mary des mois et des mois avant le début du tournage. Je me suis installée sur place. Francis est un réalisateur obsédé par la façon dont le paysage dans lequel vous vivez façonne votre existence. Pour Ammonite, j’ai tourné des scènes sans doublure du haut de falaises dangereuses. Avec le recul, était-ce bien raisonnable ? Je n’aurais pas pu faire un tel film en faisant semblant. Il me fallait braver les éléments, le vent, la mer, il me fallait être transportée.
Dans Mare of Easttown, vous ne jouez même plus les mères célibataires, mais les grand-mères célibataires.
… et déprimées ! (Rires.) Mare m’a touchée, car elle n’en peut plus. Elle a été une ancienne gloire de sa petite ville de pro- vince, mais ensuite tout est allé de travers, comme si tout s’était effondré autour d’elle. Et elle se venge en emm… tout le monde. (Rires.) Pour être crédible, je l’espère, j’ai passé plusieurs mois avec les services de la police locale d’Easttown en Pennsylvanie, où se déroule l’histoire. Le courage des femmes policières m’a sidérée. Je voulais montrer ce quoti- dien d’une femme détective, sans fioritures. Mare s’habille et se comporte comme un mec, envoie balader sa propre mère. Et, derrière toute cette carapace, elle repense à l’enfant qu’elle a perdu… Les femmes policières que j’ai rencon- trées veulent vraiment nous protéger et protéger leurs enfants. Elles sont remarquables.
Jouer une détective semble être un passage obligé pour un acteur, aujourd’hui ?
Pour un acteur, c’est forcément intéressant, car c’est un personnage qui répond peut-être à cette question qui nous laisse tous incrédules: comment peut-il y avoir tant de pulsions hideuses dans ce monde ? Pourquoi les humains se comportent-ils ainsi ? Comment parvient-on à être encore original dans n’importe quel genre, polar, romance, science-fiction, puisque tout a déjà été fait ? Il faut une écriture puissante, de la profondeur, montrer que l’amour est plus fort que la mort. Il faut aussi savoir lire entre les lignes.
Vous évoquez la science-fiction, et il est excitant de vous savoir dans tous les Avatar à venir de votre «mentor» James Cameron !
Mais je ne peux toujours rien dire sur mon rôle, si ce n’est que je suis très… bleue ! (Rires.) Et que je suis une créature de l’eau, car, décidément, Jim (Cameron) aime bien me plonger dans l’eau. (Rires) C’était extraordinaire. Pour Avatar 2, j’ai dû apprendre à faire de la plongée, et j’ai adoré cela, d’autant que mon mari m’a accompagnée. C’est après coup que l’on m’a dit que j’avais battu un record en apnée: plus de sept minutes à retenir mon souffle. Un truc de dingue ! Avatar 2 sort normalement en 2022. J’ai tellement hâte que le cinéma reprenne sa place dans nos vies…
Propos recueillis par Juliette Michaud
Photographie par James White Trunk Archive/ PhotoSenso
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