On l’a vue arriver au défilé Nina Ricci lors de la Fashion Week parisienne, avec son gigantesque chapeau noir et sa combinaison bustier de vamp, l’un des ensembles clés de la collection, jouer de son image, faire miroiter tous les fantasmes de mode et de cinéma qu’elle incarne. Drôle, habitée, regard bleu qui tue… Une pure star ! Après vingt ans d’une prodigieuse carrière entre la France et Hollywood, Diane Kruger nous laisse à peine le temps de reprendre notre souffle.
Parmi son actualité haut de gamme, Amrum, qui marque ses retrouvailles avec Fatih Akin, son réalisateur de In the Fade. Un film choc dans lequel elle décryptait les glaçantes racines du terrorisme, bouleversant contre-emploi qui lui avait valu le prix d’interprétation au Festival de Cannes en 2017. Diane Kruger joue à nouveau dans sa langue natale, mais cette fois dans une Allemagne de la fin 1945. Amrum est un récit semi-autobiographique de Hark Bohm, le mentor et coscé-nariste de Fatih Akin. Le film se déroule sur l’île allemande éponyme, et suit le destin d’un garçonnet qui aide sa mère à nourrir sa famille en accomplissant des travaux des champs, pêchant et chassant le phoque… mais l’armistice apporte de nouveaux conflits. Diane Kruger y joue la femme d’un fermier, et l’on ne serait pas surpris de voir toute l’équipe monter les marches en mai à Cannes.

©Plaion Pictures
Un peu plus tard dans l’année, elle sera à l’affiche de Merteuil, la série française de Jessica Palud (Maria), aux côtés de Noée Abita, Lucas Bravo et Vincent Lacoste. Les Liaisons dangereuses remises au goût du jour pour la plateforme Max. Diane Kruger vient aussi de tourner pour Paramount UK la minsérie Little Disasters, sur un groupe de mères ébranlées après que l’une d’elles (jouée par Diane Kruger) a mis en danger son bébé. Et le 30 avril, en salle, virage à 180 degrés avec Les Linceuls, dans lequel l’incroyablement prolifique Diane Kruger campe non pas un, mais trois rôles, dont celui de l’épouse décédée de David Cronenberg. Le projet est parvenu à Diane Kruger après le désistement de Léa Seydoux. «J’ignorais, lorsque j’ai reçu le scénario, qu’il était basé sur la propre expérience de David. Nous avons parlé des heures entières. Ce qu’il m’a dit en premier, c’est que, lorsque sa femme est partie et qu’ils l’ont mise dans un cercueil, il a ressenti cette horrible envie de sauter dedans avec elle. Il ne supportait pas l’idée qu’elle soit seule dans la mort, explique Diane Kruger. Dans la lignée d’Amour, de Michael Haneke, le film se concentre sur les liens du couple et ce que cela signifie réellement de laisser partir quelqu’un physiquement.» Les Linceuls raconte en effet l’impossible deuil d’un homme d’affaires joué par Vincent Cassel. Inconsolable à la mort de son épouse, il invente un procédé futuriste permettant de voir les morts dans leur cercueil. Quand les tombes du cimetière où repose l’amour de sa vie sont vandalisées, le thriller d’horreur existentiel commence…
«J’ignorais, lorsque j’ai reçu le scénario, qu’il était basé sur la propre expérience de David. Nous avons parlé des heures entières. Ce qu’il m’a dit en premier, c’est que, lorsque sa femme est partie et qu’ils l’ont mise dans un cercueil, il a ressenti cette horrible envie de sauter dedans avec elle»
«Je suis une fan de la première heure des films fantastiques de David Cronenberg, pas tant pour le côté horrifique, que je n’aime pas spécialement, mais pour leur atmosphère si particulière, et parce qu’il a fédéré toute une génération de metteurs en scène qu’il continue à inspirer. Mais j’étais un peu en état de choc à l’idée de me retrouver au cœur de cette histoire si personnelle, dans cette intimité. Evoluer dans ce huis clos en jouant à la fois une morte et sa sœur excentrique et conspirationniste… Face à Vincent, avec lequel je venais de tourner dans Saint-Ex, qui ressemble comme deux gouttes d’eau dans le film à David Cronenberg, ce n’était pas évident pour moi, et je me suis sentie extrêmement émue.»

©Parallel Films (Marlowe) Ltd. Hills Productions A.I.E. Davis Films
Ces mots pourraient résumer à eux seuls le tempérament d’actrice de Diane Kruger. Un besoin d’embrasser l’inconnu, de travailler avec les meilleurs et de se mettre au défi, tout en laissant filtrer cette empathie, cette lucidité, cette délicatesse qui ont contribué à faire sa marque. Cette pudeur aussi. «Je n’ai jamais accepté autant de scènes de nudité. Je me suis sentie vulnérable du début à la fin, et je dois vraiment remercier mes partenaires de leur soutien. D’autant que le film m’a confrontée à la peur de ma propre mort. J’appréhendais de me voir décomposée à l’écran ! Pourtant, j’ai trouvé le résultat plus fascinant que dégoûtant. Parce que c’est nous, c’est la condi-tion humaine que le film montre. Et puis je me suis trouvée pas mal, en morte !» disait-elle avec humour à la conférence officielle du film l’an dernier sur la Croisette. Ce à quoi un David Cronenberg faussement assagi lui répondait noncha-lamment : «Tu n’es pas mal aussi en vrai.» Complicité, plaisir artistique et humain évident entre l’actrice et son metteur en scène de légende. Ce qui l’a le plus surprise chez lui ? «Le fait qu’il n’y ait aucune répétition ! Si l’on m’avait proposé ce film il y a dix ans, j’aurais paniqué. Mais je me suis épanouie, et régalée sur le tournage, parce que je savais, justement, que David me faisait confiance. Je me suis sentie aimée, et on peut tout faire lorsqu’on se sent aimée.»
«Je me suis épanouie sur le tournage, parce que je savais que David Cronenberg me faisait confiance. Je me suis sentie aimée, et on peut tout faire lorsqu’on se sent aimée»
Comment ne pas aimer Diane Kruger ? Quand on pense que Quentin Tarantino ne voulait pas d’elle pour Inglourious Basterds, et qu’elle a pris son billet d’avion à ses frais pour l’obliger à l’auditionner… Seule une détermination infaillible amène au sommet. Ses rôles le prouvent. Face à Brad Pitt dans Troie et Nicolas Cage dans la franchise des National Treasure, à Liam Neeson dans Unknown, chantant l’Ave Maria dans Joyeux Noël, Copying Beethoven pour Agnieszka Holland, en Marie-Antoinette dans Les Adieux à la reine, en fille junkie de Catherine Deneuve dans Tout nous sépare, en espionne de choc dans 355 aux côtés de Jessica, Lupita, Penelope et les autres, donnant la réplique à Danny Boon dans Un plan parfait, ou l’an dernier à Richard Gere dans Longing, en détective dans la série The Bridge et en productrice impitoyable dans une autre série de choix, Swimming With Sharks. La liste est bien trop longue.
Elle est à l’aise dans tous les genres, elle est à l’aise tout court. Souvenez-vous de son excellence en maîtresse de cérémonie à Cannes. S’ajoutent pour cette ancienne mannequin et égérie (rappelons qu’au tout début elle voulait être ballerine) des contrats inouïs avec les plus grandes marques. Armani, Calvin Klein, Chanel, Jaeger-LeCoultre, L’Oréal, Schwarzkopf… On s’arrache sa beauté. Elle, la transcende. Elle en connaît trop les pièges. D’une gentillesse et d’une simplicité exquises avec son petit accent craquant, Diane Kruger nous a subjugués. Elle est même de plus en plus renversante. Devenir mère à la quarantaine, continuer à filer le parfait amour avec le père, l’acteur Norman Reedus, peut avoir cet effet sur vous. A quand Marlene Dietrich à l’écran ? On sait qu’elle en rêve, qu’il en est question. Quelque part au ciel, l’autre idole de Diane, Romy Schneider, doit être fière.
Propos recueillis par Juliette Michaud
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