L’ascension phénoménale d’Elvis Presley vue à travers le prisme de sa relation naïve avec son manager crapuleux (Tom Hanks en contre-emploi), la dualité de l’art et du business. Voilà le scénario très Amadeus de la nouvelle extravagance du metteur en scène de Moulin Rouge et de Gatsby le magnifique : Elvis, sorti en salle le 22 juin. Austin Butler, à 30 ans, enflamme ce spectacle de 2 h 39. Aussi blond qu’Elvis était brun, mais partageant avec lui beaucoup de similitudes – même taille à un centimètre près (Austin 1,83 m, Elvis 1,82 m), mêmes mains larges et voix grave, même amour de la guitare, même tragédie : la perte de sa mère adorée à l’âge de 23 ans. Austin, petit gars d’Anaheim, banlieue de Los Angeles, fief de Disneyland, est né pour ressusciter le roi du rock’n’roll ! Et si, dans Elvis, les scènes de concert sont irrésistibles, c’est en trouvant l’âme du King que le troublant Austin Butler entre à son tour dans la légende. C’est à Cannes, où le film a fait sensation hors compétition, que nous avons assisté à la naissance d’une nouvelle idole. Car, après de petits rôles chez Jarmush et Tarantino et avoir partagé les planches avec Denzel Washington dans The Iceman Cometh (Le marchand de glace est passé), cet enfant star tombé dans le showbiz par accident va devoir, comme Elvis, surmonter les pièges d’une fulgurante célébrité. Ses projets immédiats : Dune 2 et Masters of the Air, où il retrouve Tom Hanks, qui produit cette minisérie avec Steven Spielberg. Mais, en face de nous, timide et charmant, c’est Elvis que nous avons. Un rôle si difficile à quitter que le désarmant Austin a connu une sérieuse crise existentielle à la fin du tournage. One for the show…
Vous vous saviez prédestiné à jouer Elvis avant même que Baz Luhrmann vous propose le rôle…
Austin Butler. Je joue du piano, et surtout de la guitare, depuis que j’ai 12 ans. J’ai joué de cet instrument à en avoir les doigts qui saignent, et j’ai toujours beaucoup chanté sur les chansons d’Elvis. A tel point qu’une amie m’a dit un jour que je devrais acheter les droits pour raconter sa vie. Et puis, j’ai appris que Baz Luhrmann allait faire son film. C’était comme si, soudain, les étoiles s’alignaient.
Comment êtes-vous devenu Elvis ?
J’ai mis le reste de ma vie en pause pour deux ans, et j’ai cédé à mon obsession. J’ai absorbé tout ce que je pouvais absorber sur lui en vivant dans une pièce tapissée de ses photos à toutes les époques de sa vie. Moi qui croyais connaître Elvis, j’ai beaucoup appris : je ne savais même pas qu’il avait un frère jumeau mort prématurément. Pour préparer l’audition du film, j’ai commencé par écouter tout le catalogue de ses chansons dans l’ordre chronologique. Quand j’ai obtenu le rôle, j’ai décomposé sa vie en périodes bien distinctes, pour étudier les différences dans son timbre de voix au fil des années et l’évolution de sa gestuelle. De son mythique déhanchement à des poses empruntées au karaté, lui qui était ceinture noire…
Quel a été le plus grand défi d’un tel rôle ?
Je m’étais mis en tête des ambitions impossibles à tenir. Je pensais que si je travaillais assez dur, je pourrais rendre mon visage identique à celui d’Elvis. Que mes yeux, ma bouche deviendraient les siens, et que vous ne pourriez pas faire la différence. J’ai réalisé en cours de route que cela serait comme aller au musée de cire. Le plus gros challenge était de trouver l’humanité d’Elvis à travers les petites choses ordinaires de son quotidien. Ce qui était vraiment important était de se dépouiller de toute l’imagerie iconique d’une des figures les plus marquantes du XXe siècle, indissociable de l’histoire de l’Amérique, et d’atteindre l’essence d’Elvis. C’était un équilibre très délicat à trouver, car je devais aussi techniquement être aussi précis que possible.
Un exemple ?
Je me suis repassé en boucle un moment précis : la seconde où Elvis chante Hound Dog dans l’émission télévisée de Milton Berle. Pour analyser son regard, l’angle de sa tête, le mouvement de sa main… Comprendre la raison pour laquelle il se déplaçait de cette façon et pourquoi il s’exprimait ainsi. Tout était dans cette seconde, elle m’obsédait. Il me fallait reproduire exactement le même feeling, l’intérioriser jusqu’à ce qu’il s’inscrive dans ma moelle. Mais l’exercice délicat consiste à être là le jour du tournage, et donner l’impression que tout ça se passe pour la première fois, que c’est spontané et réellement vivant. Que je suis Elvis à cet instant précis de sa vie, que j’ai trouvé son être intérieur. En voyant les premiers rushes, je trouvais d’ailleurs que j’en faisais beaucoup trop. Il me fallait encore et encore me dépouiller, dépouiller l’icône, passer “à travers les clichés”, aller au plus profond pour trouver la nature humaine d’Elvis. Et c’était fascinant. Avoir la possibilité d’explorer l’âme d’Elvis a été la plus grande joie de ma vie. Lorsque Baz m’a lu, un soir, alors que nous allions dîner, le message de Priscilla Presley disant qu’elle adorait le film, les larmes me sont montées aux yeux. Parce que, en fin de compte, je n’ai jamais rencontré une personne que j’aie aimée plus qu’Elvis. Je vis avec lui depuis maintenant trois ans. Le sentiment de lui rendre justice et de rendre justice à son héritage, de donner vie à cet homme extraordinaire et de rendre Priscilla, sa fille Lisa Marie, sa petite-fille Riley Keough, et toute la famille Presley fière, c’est indescriptible : je suis sur la lune !
Propos recueillis par Juliette Michaud
Photographie principale : 2022 Warner Bros. Entertainment Inc.
A lire aussi : Nicole Kidman: «J’avoue avoir pensé plus d’une fois à tout arrêter pour simplement réussir ma vie de femme»