En pleine Fashion Week, alors que Paris s’agite, l’envie se fait plus douce : ralentir, savourer, retenir encore un souffle d’été avant l’automne.
Samedi, la matinée s’ouvre sous une couette un peu trop chaude, loin du tumulte du monde. Rien n’oblige à sortir, sinon la faim qui finit par l’emporter. On s’habille à la hâte, direction le boulevard Auguste Blanqui. Là, le Rice Market, grand rendez-vous gourmand inaugurant les célébrations de la Fête de la Lune, vient de s’installer. Une cinquantaine de stands esquissent une cartographie des saveurs asiatiques : Chine, Cambodge, Vietnam, Corée… Les parfums s’emmêlent, poivrés, sucrés, grillés. Un nuage de vapeur s’élève au-dessus des baos brûlants, les nouilles sautées tintent dans les woks, le café vietnamien fume dans les gobelets. On dévore le monde, un pays après l’autre, sans quitter le 13ème arrondissement. Rassasié, cap sur les grands magasins parisiens pour d’autres plaisirs.
Aux Galeries Lafayette Haussmann, Claudie Pierlot joue avec les codes de l’automne et invite à réinventer sa sneaker Swing. On choisit des lacets, on accroche des charms comme des gri-gri, on compose une paire rien qu’à soi. Une frivolité bienvenue.
De l’autre côté de la Rive, au Bon Marché, Yves Salomon a réinventé son écrin. Bois blond, matières feutrées : l’rapace respire la douceur. Les fourrures se caressent du bout des doigts. L’hiver qui s’annonce ne paraît moins hostile, presque désirable.
Le lendemain, le réveil sonne plus tôt qu’il ne faudrait. Qu’importe : Méert attend. Dans les boutiques de la maison lilloise, les brioches du Nord s’alignent comme des trésors. La cramique, dorée, gonflée, se déchire à la main. Elle se savoure encore tiède, nature ou chocolat, sucre perlé ou raisin, un morceau après l’autre. Rien ne presse. On la déguste lentement, en silence, pour que le plaisir dure.
À 14 heures, sur les Champs-Élysées, un autre défilé a lieu. Pas de mannequins cette fois, mais des chiens, des chats, des chevaux, même des lamas qui avancent fièrement sur l’avenue. On sourit, on s’étonne, on oublie un instant le sérieux de la capitale. Paris se fait joueuse, presque légère, avant de redevenir solennelle pour deux rendez-vous attendus.
Départ du cortège à 15h au rond-point des Champs-Elysées, direction l’Arc de Triomphe. Nous serons le premier dimanche du mois, donc l’avenue sera piétonne.
Au Grand Palais, l’héritage de Virgil Abloh s’impose. The Codes est une rétrospective qui ressemble à un tumulte créatif : plus de vingt mille pièces, des collaborations cultes, l’énergie brute d’Off-White, l’élégance réinventée de Louis Vuitton, la rencontre avec Nike devenue iconique. C’est une effervescence qui vibre encore, comme si le créateur n’avait jamais quitté la scène. À ses côtés, un pop-up Colette réveille la mémoire d’un Paris avant-gardiste, ce concept-store disparu mais jamais oublié.
Dans l’autre aile, le festival Deux-Mains du Luxe raconte une autre histoire. Celle du temps long, du geste répété, de l’artisan qui perpétue une tradition française. Trente-cinq maisons ouvrent leurs coulisses, dévoilent leurs ateliers, redonnent au luxe ce qu’il a de plus rare : la patience et la passion des mains.
Et l’on se dit, en terminant le week-end, que c’est peut-être ça, le vrai luxe : s’offrir des parenthèses, un peu de lenteur, et se laisser traverser par la beauté d’un instant.
Emma Bentzinger
Image principale : Pop-up Colette
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