Le talon tombe-t-il de haut ? Ce symbole absolu d’une féminité assumée, longtemps considéré comme l’accessoire sensuel suprême, perd-il de son pouvoir d’attraction ?
La mode des stilettos de 10 ou 12 centimètres semble doucement s’éloigner, comme le signe d’un vieux monde où les femmes devaient être fragiles pour être désirables. Les sociologues constatent le phénomène de déclin des talons très hauts depuis la fin de l’épidémie de Covid, qui a mis au centre de la société française les notions de naturel et de confort. Mais qu’en est-il des nouveaux mode de séduction ? Le sexy serait-il en train de devenir ringard ? Ou, plus surement, assistons nous à des versions renouvellées du charme et de la séduction ?
Historiquement, les talons hauts ont d’abord été inventés pour des raisons pratiques… et pour les hommes : dans l’Égypte ancienne, les bouchers en portaient pour éviter de se salir les pieds avec le sang des animaux qu’ils venaient d’abattre. Certains cavaliers de l’Antiquité utilisaient leurs talons renforcés pour bien se caler sur leurs étriers. Dans la Rome Antique, c’est les prostituées qui se distinguaient des autres femmes par la hauteur de leurs talons.
Les courtisanes japonaises et les concubines chinoises portaient elles-aussi des chaussures surélévées. Au XVeet XVIe siècle, dans la cité-état de Venise, les prostitués, protégés et encadrés par le gouvernement de la Sérénissime, se hissaient pour être immédiatement remarquées dans la foule sur des talons plateforme qui pouvaient atteindre 30cm, connues sous le nom de «chopines». Le roi Louis XIV, qui était plutôt petit, portait des souliers à talons ornés de boucles diamants pour paraître plus grand. Mais à la cour du roi soleil, seuls les courtisants étaient autorisés à porter des talons hauts avec des semelles rouges. Au début du XXe siècle, les militantes féministes, les suffragettes, parcouraient les rues de l’Angleterre avec des bottes à boutons dotées de hauts talons.
D’autres s’adonnaient même à des activités physiques, comme le tennis, en portant des chaussures de sport à hauts talons! L’escarpin revient au début des années 1950: souvenez-vous de Marilyn Monroe, Sophia Loren, Jayne Mansfield… bientôt le talon aiguille ou le stiletto, se retrouvent sur tous les podiums des grands couturiers italiens (Salvatore Ferragamo, André Perugia) et français (Christian Dior, Roger Vivier) et deviennent les chouchous de toutes les bimbos du monde comme des starlettes hollywoodiennes.
Aujourd’hui, les très hauts escarpins n’ont plus la côte (depuis 4 ans, les ventes ont chuté de plus de 60%), les talons sont désormais plus modestes, moins hauts, plus carrés. Les femmes découvrent les charmes des slingbacks plats (Jacquemus, Dior, Coperni), des tabis (Margiela en collaboration avec Louboutin), des ballerines en version résille, daim, avec un petit noeud ou ornées de perles (Dior, Versace, Fendi…), des babies, (Céline, Dior…), des sandales fisherman (Gucci, Loro Piana), des derbies, des spartiates (Dior, Isabel Marrant), des chaussures bateau, des mocassins, mules, kitten heel, santiags, cuissardes, talons à bride sur la cheville, sabots, jelly shoe… et même les tongs à petits talons ou décorées de bijoux (Gucci, Bottega Venetta, Giuseppe Zanotti).
Le talon aiguille de 10centimètres reste encore populaire dans les milieux de la finance et du droit, les femmes travaillant dans la culture ou la création préférant les talons moins hauts, les talons larges, les chaussures avec une bride autour de la cheville, les bottes plates… Selon une étude publiée en France, en février 2025, 30% des femmes portent des talons de 6cm et plus, 8% n’en portent jamais et 60% des femmes portent des petits talons de 2cm.
Oscar Léon
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