Laurence Le Constant crée avec des plumes. «La plume est un lien entre la matérialité et l’éther, explique l’artiste. Dans l’ancienne Egypte, la plume était la valeur étalon de la pesée du Ka (l’âme des morts). Elle est garante de l’harmonie et de l’équilibre universels dans de nombreuses cultures. Les chamans l’utilisent pour communiquer avec les dieux. J’ai créé ma toute première vanité en plumes en 2010. C’était peu après le décès de ma grand-mère (c’est elle qui m’a élevée). Il s’agissait pour moi d’accepter son départ et aussi de lui rendre hommage. De plus, la tête de mort provoque à la fois fascination et répulsion et parfois l’effroi. C’est un point qui m’a intéressée et j’ai voulu apprivoiser la puissance du symbole. Mes crânes sont des portraits de femmes qui ont compté pour moi. Elles sont des membres de ma famille, des artistes, des chercheuses…» Lorsqu’on lui demande pourquoi un crâne blanc, beau mais effrayant, elle répond : «Le blanc est associé à la pureté et au sacré ou au deuil, en fonction des cultures. C’est un symbole puissant et ambigu. Je le travaille comme représentation du spectre de la lumière visible. La lumière blanche regroupe les longueurs d’onde de toutes les couleurs lumineuses. Il y a de la magie dans le blanc ! Le crâne blanc a été réalisé en plumes d’oie. Ce sont des plumes toniques presque électriques. Elles se courbent et se hérissent. C’est une vanité dont j’ai eu du mal à me séparer. Elle a intégré la collection permanente du musée d’art contemporain de Dallas en 2012. Je n’ai pas pensé à faire de “belles” sculptures. Le crâne est un symbole de mort et la plume un lien entre notre monde et l’au-delà. La beauté est un point discutable, surtout en art ! Mais, si vous les trouvez belles, alors j’en suis heureuse !»
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