Promenade rue Saint-Honoré, entre la place Colette et la rue Royale, le nez au vent, happé par des effluves poudrée : car c’est ici, sur ce morceau de rue, que se groupent depuis quelques temps boutiques de parfums et parfumeurs branchés…
Tout commence par un café au Nemours, en terrasse, bien sûr. Poste d’observation idéal : place Colette, ballet des passants, frisson d’émotion si Guillaume Gallienne surgit de la Comédie-Française… La rue Saint-Honoré, elle, déroule sa partition olfactive.
Les premières notes sont gourmandes. À la maison Verlet, les grains de café torréfiés se marient aux éclats d’une génoise encore tiède. Mais déjà, au n°270, le ton se fait plus capiteux. Molinard -doyenne venue de Grasse- y distille son Eau de Fleurs comme un héritage vivant. Les cloches de Saint-Roch sonnent, et face à elles, Roger & Gallet dévoile ses souvenirs poudrés : savons ronds, flacons au charme suranné, Cologne comme au siècle dernier.
Rupture de ton. Au n°199, Byredo impose le silence. Minimalisme suédois. Les flacons aux bouchons noirs s’alignent tels des haïkus : Bibliothèque, Gypsy Water, Mojave Ghost. Une poésie froide, pénétrante. À côté, Le labo parle new-yorkais. Une parfumerie brute, artisanale. Thé Matcha 26, Tonka 25, Baie 19… des sillages identifiables, prolongés par une ligne complète pour le corps.

Boutique Byredo
Et puis le soleil monte. Au n°202, Acqua di Parma invite l’Italie à Paris. Jaune mimosa, Colonia classique, Dolce Vita encapsulé dans des flacons néoclassiques. Tout respire l’élégance napolitaine. À l’angle de la rue de la Soudière, le n°306 attend son futur occupant : Matière Première. Une maison jeune qui pense ses jus comme des partitions, autour de matières nobles. Déjà, l’on devine le sillage à venir.
Un peu plus loin, Fragonard affiche son classicisme joyeux. La maison grassoise fondée en 1925 y célèbre la fleur de citronnier. À ses côtés, L’Artisan Parfumeur murmure ses secrets sous une devanture sombre. Abyssae, élu meilleur parfum de niche 2023, dialogue avec les classiques de la maison. En face, BDK Parfums rêve ses créations comme des contes. Maison Crivelli, elle, s’aventure sur des sentiers sensoriels inexplorés. Plus que des parfums, des paysages.

Boutique L’artisan Parfumeur
Changement d’époque. Chez Santa Maria Novella, le temps s’arrête. Fondée à Florence en 1221, cette maison historique évoque Catherine de Médicis, l’apothicairerie et le pouvoir des plantes. Chaque flacon est une capsule temporelle. Au n°211, Creed s’apprête à ouvrir ses portes. Bientôt, ses accords britanniques viendront enrichir la symphonie. Plus haut, au n°320, Initio frappe fort. Parfumerie hédoniste qui cherche le choc, notamment avec Power Self.
Au n°322, Serge Lutens y raconte des récits orientaux. Une poésie liquide. À ses côtés, Parfums de Marly s’inspire des fastes de Versailles. À noblesse de l’individualité, flacons aux chevaux galopants. Juste à côté, Christian Dior expose ses icônes dans un décor d’épure : Gris Dior, Miss Dior, Jasmin des Anges…
Puis, changement d’hémisphère avec un pas de coté rue du Marché Saint-Honoré avec Gardano. Brésil, jungle, chaleur : le quartier s’électrise un instant.
À hauteur du restaurant La Coupe d’Or, au 330, Diptyque rappelle qu’avant les bougies, il eut les parfums. Lilyphéa, Eau Papier, Philosykos… autant d’odes à la Rive Gauche et à la littérature. Entre Goyard et Pomellato, Ex Nihilo affirme sa position au n°352. Créer sans contrainte, à partir de rien, dans un écrin de pure excellence. Certains pourraient passer sans la voir, si les huit lettres dorées n’étaient pas posées sur sa porte bleu nuit. Guerlain veille, discrète parmi ses voisins, à sa légende. Shalimar, L’Heure Bleue, La Petite Robe Noire… un empire feutré de senteurs.

Boutique Guerlain
Il faut alors traverser la rue de Castiglione. Saluer, à droite, la place Vendôme. Résister à l’appel de l’Hôtel Costes. Et remonter jusqu’à la jonction de la rue Cambon. Là, Kilian. fondé par Kilian Hennessy il ya 15 ans, distille des parfums liquoreux, presque nocturnes. À son flanc, Memo Paris trace des cartes postales olfactives : Irish Leather, Flåm, London Tweed. Non loin, Parfums de Marly signe une seconde adresse. Et tout près, une vitrine attire : celle du comptoir du Ritz, signé François Perret. Il serait péché de ne pas s’accorder un détour sucré, car une pâtisserie bien conçue a aussi son sillage.
Retour au croisement de la rue Duphot. À l’ombre du flagship, Chanel Beauté résine ses icônes parfumées, entre N°5, Coco Mademoiselle et Chance.
Ultime note : Celine Haute Parfumerie. Vision d’Hedi Slimane. Flacons monastiques, parfums littéraires, et ce génie de faire parler la matière sans un mot de trop.

Boutique Céline
Ainsi se termine la rue Saint-Honoré. Non plus une simple rue, mais un poème en flacons.
Image principale : boutique Céline
Emma Bentzinger
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