Elles sont deux, un duo débordant d’énergie. Armelle Neubauer dirige à Paris le groupe Charles Pozzi, la plus grande concession Ferrari au monde, Carolina Ritzler dessine des combinaisons ultra-sexy, inspirées par l’univers des bolides de luxe.
Comment passe-t-on de la santé à Ferrari ?
Armelle Neubauer. J’ai rejoint le groupe familial il y a dix ans pour diriger la concession, qui est la plus grande concession Ferrari au monde. Les années 2014-2015, n’étaient pas faciles, la relation avec Ferrari n’était pas simple, j’ai mis en place des process et repris le management de l’entreprise. Je sortais de dix ans dans un groupe de cliniques privées, puis dix ans dans les hôpitaux publics, à la Pitié Salpêtrière et à Necker-Enfants malades. Maintenant, je gère une importante concession avec des flux de voitures impressionnants : quasiment 400 voitures sur plusieurs sites… j’ai besoin de savoir où sont les voitures, nous sommes donc en train de mettre en place notre premier système de régulation. J’ai transposé au milieu automobile des méthodes de l’univers des hôpitaux, qui est évidemment très rigoureux. Ferrari en 2015 m’a vue arriver, ils me trouvaient besogneuse, mais ça leur plaisait bien qu’une femme dirige. Avec mon mari, nous faisons un super binôme : lui développe, et moi, je structure, il fonce et j’organise. Ferrari a vraiment adoré la montée en puissance et tout ce que nous sommes en train de développer ailleurs, au Mans, à Lille, à Nantes, où nous construisons, et à Vence, où nous avons acheté un petit musée pour faire du gardiennage de voitures d’exception.
Les clients Ferrari ont-ils changé ces dernières années ?
Armelle Neubauer. C’est une clientèle passionnée par la marque. Les clients sont de plus en plus jeunes, mais le point commun reste la passion. C’est une marque d’une telle puissance ! Certains disent que c’est “la plus forte au monde sans publicité”. C’est une marque qui produit très peu de voitures : entre 12 000 et 13 000 voitures cette année, 330 000 depuis la fondation de Ferrari en 1947, dont 70 % roulent encore, ce qui correspond à la production annuelle de Porsche…

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La concession Charles Pozzi est bien plus qu’un garage ?
Armelle Neubauer. Nous l’avons conçue comme un lieu de vie. L’idée de ce bâtiment, c’est de délivrer du beau. Nous avons cherché à mettre en scène les voitures, qui sont clairement des œuvres d’art ! Il faut que ça soit très beau, parce que les voitures le méritent. Un endroit qui est beau attire l’excellence. Ça nous tire vers le haut. Ce n’est pas exclusivement Ferrari. Depuis deux ans, nous avons un showroom de véhicules d’occasion de luxe et d’exception. Le deuxième étage permet de faire des choses incroyables : c’est un open space aux murs bruts dédié à l’événementiel.
Vous êtes la seule femme à diriger une concession Ferrari. Il y a aussi des femmes qui achètent des Ferrari ?
Armelle Neubauer. Mais oui ! Des femmes qui aiment rouler, qui font du circuit et aiment la vitesse. Des femmes de caractère, car il faut oser aller sur circuit. Ferrari essaye de favoriser ce mouvement, ils organisent des événements, des rallyes.

J’étais impressionnée en visitant l’atelier de réparation, car il n’y a même pas une marque au sol…
Armelle Neubauer. Ça doit être comme dans un bloc opératoire. S’il y a une petite feuille par terre, je la ramasse…
Avec Carolina Ritzler, vous êtes en train de construire un univers autour du luxe ?
Armelle Neubauer. Oui, un peu comme Ferrari qui s’est lancé dans le lifestyle. La mode est un univers qui m’a toujours plu. J’adore les combinaisons, j’en ai toujours porté, et, lorsque j’ai rencontré Carolina, il y a six mois, j’ai pensé que c’était cohérent. Pour les femmes qui travaillent c’est un bonheur, car on s’habille vite, c’est élégant et confortable.

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Quelles sont les passerelles entre la mode et la concession Charles Pozzi ?
Carolina Ritzler. Les combinaisons ! C’est fou et tellement évident. Lorsque j’ai créé ma marque en 2014, j’imaginais que chaque combinaison aurait un numéro, comme une vieille voiture. J’ai toujours imaginé une femme en combinaison avec un petit côté Spice Girls. Le luxe automobile – et principalement les voitures de sport haut de gamme – peut être associé à la combinaison, c’est infiniment glamour. La marque Carolina Ritzler n’est ni une marque de créateur ni une grande marque de luxe, mais un pont entre les deux.
Carolina, tu crées tes modèles ici ?
Carolina Ritzler. J’y travaille, mais j’ai mon atelier aussi à Paris et la boutique dans le VIIIe arrondissement. La concession est un lieu exceptionnel pour recevoir et travailler. Il y a l’espace, la lumière. Chaque personne qui porte une combinaison la porte avec son style. Personne ne peut dire : “Je ne peux pas la porter parce que je suis trop grande, trop fine, trop petite, trop grosse…” Ça va à tout le monde !
Tu fais uniquement des combinaisons ?
Carolina Ritzler. La combinaison est l’ADN. C’est ce qui a fait connaître la marque. Je l’aime plus que tout. Pour moi, c’est l’uniforme féminin. Mais je propose aussi des chemisiers, des pardessus, des tailleurs-pantalons…
Armelle Neubauer. Ce que j’aime dans tes collections, c’est l’allure. C’est élégant et différent.
Carolina Ritzler. L’important, c’est la tenue. Il y a de l’architecture dans les vêtements. Mes collections ont un côté rock’n’roll. Ce n’est pas archi-classique, il y a toujours un petit truc un peu rebelle. Je souhaite que la businesswoman qui voyage, ouvre sa valise et puisse s’habiller sans être froissée, impeccable, en ayant cette allure qui lui donne de la force. Le vêtement doit être un allié.
Le lien, c’est l’élégance et le pouvoir au féminin ?
Armelle Neubauer. L’élégance, oui, et le mouvement. Le pouvoir au féminin, c’est se sentir bien en toutes circonstances. C’est hyper important pour les femmes qui travaillent. Etre élégante et un peu originale. C’est comme se maquiller le matin… tu mets tes peintures de guerre.
Carolina Ritzler. Une combinaison reste intemporelle. Pour moi, la mode, c’est démodé. Je travaille pour accompagner et que ça dure dans la vie. Nous essayons de coller à l’excellence Ferrari. Nous sommes vraiment tirés vers le haut par Ferrari.

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Les collections sont fabriquées à Paris ?
Carolina Ritzler. Dans les mêmes ateliers, depuis le début.
Et si les hommes veulent aussi leur combinaison ?
Carolina Ritzler. Ah, ça va arriver ! On travaille dessus…
Armelle Neubauer. Nous avons gagné la course des 24 Heures du Mans. Nous organisons une fête incroyable en décembre et habillerons à cette occasion tous nos mécanos, notre personnel en combinaison Carolina Ritzler. Quand on fait des choses en s’amusant, ça change tout. Il faut qu’il y ait du plaisir. Notre association est complémentaire. Je manage, je gère. Je n’ai pas son talent. Carolina ne peut pas avancer s’il n’y a pas quelqu’un qui drive. Quand les binômes marchent, c’est féroce.
Carolina Ritzler. J’adore ce mot. C’est génial.

Propos recueillis par Anne Delalandre
